
Le béret, la baguette… il n’y a pas de doutes : c’est bien un supporter français du XV de France ! (©Icon Sport)
Hier après-midi, au coup de sifflet final de la rencontre entre l’Écosse et la France j’étais, comme tous les supporters tricolores, déçu. Déçu, mais un petit peu soulagé aussi. Après ce début de Tournoi quasi-parfait, j’avais exprimé mes craintes de voir mon corps de métier disparaître. Imaginez un monde où l’on aurait trouvé le remède à la mortalité : ça mettrait un sacré paquet de gens au chômage, à commencer par les fabricants de cercueils. Un XV de France qui ne perd plus un match, ce serait aussi un gros coup porté au business des chroniqueurs satiriques. Ouf ! Je ne vais donc pas (tout de suite) rejoindre Guy Novès dans la queue au Pôle Emploi.
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Au-delà du sort des charognards de mon genre, il faut reconnaître que cette défaite inattendue a aussi quelque chose de rassurant pour le grand public. Notre équipe française, on l’aime aussi et surtout parce qu’elle est comme ça, capable de réaliser les plus beaux exploits contre les plus belles équipes, puis de se ramasser lamentablement contre une opposition jugée faiblarde. Après la retraite internationale de Sébastien Vahaamahina, on se demandait aussi qui pourrait bien reprendre le flambeau du mec qui pète un câble et plombe complètement son équipe ce qui, je le rappelle, est une tradition française depuis toujours. Mohamed Haouas s’est porté volontaire et l’a fait avec un superbe panache, mais nous n’aurions jamais dû douter du potentiel d’un type capable de frapper ses propres coéquipiers lors d’un échauffement.

Merci de rappeler que la France, c’est aussi la patrie de la violence. (©BBC)
Finalement, notre identité n’est pas (encore) menacée. Les Français restent français et on est pour l’instant loin de s’ennuyer comme les supporters des All Blacks. Quoi de plus monotone qu’une équipe qui ne perd quasiment jamais, ou alors contre les meilleurs mondiaux ? Avec la France, n’importe quel match est un danger. La routine ? Connait pas. Chaque rencontre est une aventure. Et ce match à Murrayfield, quelle aventure ! Il y avait tout de réuni, les pièges à loups, les trappes cachées, les jets de fléchettes, un bassin avec un requin, une boule géante comme dans Indiana Jones, tout. Et, malheureusement, les Bleus sont tombés dans tous les pièges.
La compo

La composition de la France contre l’Écosse. (©Bas instincts Inc. )
Le film du match
3e : Les Bleus ont la réputation de réussir leurs entames de match, et ça part plutôt bien encore une fois avec une première séquence qui aboutit sur une faute écossaise. Romain Ntamack, consacré nouvelle star du rugby français depuis sa performance à Cardiff, s’élance pour buter à 45 mètres en face des poteaux. Et là, c’est le drame ! Le ballon fuit les perches. Dans l’esprit des téléspectateurs, NTK redevient immédiatement l’équivalent d’un Julien Peyrelongue. Ainsi va la malédiction du Grandisse ©.
5e : On le sait, l’équipe d’Écosse n’est pas la meilleure du monde dans beaucoup de domaines, à part peut-être dans celui du cassage de couilles sur le jeu au sol. Dès les premiers instants de la rencontre, on sent que le match va être disputé selon les bonnes vieilles « far west rules » et qu’il va falloir faire passer les défenseurs écossais par la fenêtre du saloon pour permettre des libérations de balles propres. François Cros et Paul Willemse se portent volontaires pour faire le ménage et manquent de briser la nuque de Scott Cummings au passage. Assez miraculeusement, l’arbitre et ses assistants décident de partir sur un carton jaune.

Pendant ce temps, Fabien Galthié ressemble de plus en plus à un méchant de James Bond retranché dans sa base sur la lune. (©BBC)
8e : Décidément, ce n’est pas le jour de Ntamack, qui se troue sous une chandelle écossaise et se prend un KO dans la foulée. Le jeune Toulousain n’étant pas équipé d’un cerveau en fonte comme Dan Biggar ou Jonathan Sexton, il ne reviendra pas sur le terrain.

La sale journée. (©BBC)
On assiste alors à l’entrée de Matthieu Jalibert et de son tout nouveau style capillaire, que seuls les Portugais fans de tuning et les catcheurs de la WWE osent habituellement arborer. Le genre de trucs qu’on fait quand on perd un pari idiot ou quand on fait un Grand Chelem. On sent déjà la poisse venir.

Manque juste un t-shirt avec un loup et on tient un superbe fan de Johnny. (©BBC)
10e : On savait que la mêlée n’était pas le point fort de ces nouveaux Bleus et ça se vérifie rapidement. En face des poteaux, les Écossais obtiennent une pénalité. Adam Hastings ouvre le score, 3-0. Pendant ce temps, dans une maison du Plessis-Robinson, Finn Russell se ressert sa huitième bière et s’allume une clope.
17e : Nouvelle pénalité pour les porteurs de jupes à carreaux qui, sans être géniaux, se montrent agressifs et appliqués. Pire, on a l’impression qu’ils avancent sur les impacts, ce qui pourrait bien être une première dans l’histoire du rugby écossais. Peut-être les Français sont-ils un peu émoussés après trois journées et des entraînements À TRÈS HAUTE INTENSITÉ © ? En tout cas, Hastings rajoute trois points, 6-0.
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33e : Les Français continuent de galérer. Les Écossais pourrissent tous les rucks et plaquent haut pour réussir ces fameux « choke tackle » qu’on adore tous. Hastings et Hogg montent des grandes chandelles ou tapent dans le dos de la défense pour gêner le trio arrière bleu. Sous pression, Dupont et Jalibert se montent assez balbutiants. Mais la force de cette équipe, c’est d’avoir des joueurs assez talentueux pour réussir à faire un feu d’artifices du 14 juillet avec trois pauvres pétards sous la main.
Après une bonne avancée d’Alldritt, Jalibert réussit à décaler Fickou qui s’échappe le long de la ligne. Trois temps de jeu plus tard, Dupont balance une belle diagonale sur l’aile de Penaud, qui n’a plus qu’à rattraper le ballon pour marquer. En coin, Jalibert transforme, et les Bleus repassent devant comme par magie, 6-7.

Vous allez voir qu’avec ça, on va bientôt avoir un débat pour savoir si Dupont n’est pas meilleur en 10. (©BBC)
35e : Les Scots mettent encore la pression aux Bleus sous le renvoi et obtiennent une pénalité. Ils décident de taper en touche plutôt que de la tenter, ce qui est assez audacieux. On imagine tous déjà une période de domination de 15 minutes dans les 22 français, qui se conclurait par un bête en-avant. Mais quelque chose d’inattendu va alors se produire : une bonne vieille BAGARRE.

Bernard le Roux, heureux, dans son élément. (©BBC)
Alors qu’on pensait ‘ouais il y a rien du tout, c’est encore une bagarre nulle comme le rugby professionnel nous en offre tous les week-end’, Wayne Barnes entre en scène avec son petit look du dimanche : full-jogging, barbe de trois jours, effet décoiffé. On dirait que l’Anglais vient tout juste de se réveiller, mais non, il avait les yeux bien ouverts et a repéré Mohamed Haouas balancer une poire à Jamie Ritchie, le sosie officiel du cuisinier dans Ratatouille. On ne sait pas trop où et comment l’altercation a démarré, ni si un Écossais ne méritait pas non plus un petit jaune au passage.
Mais ce qui est sûr, c’est que dans ces cas-là, celui qui prend cher, c’est toujours celui qui a la bêtise de déclencher un gros moulinet bien visible, comme un boxeur poids lourds gitan dans une rixe sur un parking d’Intermarché quelque part dans le Nord-pas-de-Calais. Logiquement, Haouas prend donc son rouge et entre au Panthéon des joueurs français expulsés pour brutalité dans un match international. N’en déplaisent aux xénophobes, ça, c’est une intégration réussie !
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Critiquez, mais moi j’ai plus vibré devant cette action que devant tous les combats professionnels de Tony Yoka. (©BBC)
37e : Dans la foulée, Hastings passe la pénalité qui permet à son équipe de repasser en tête, 7-9.

Dans les tribunes, Fabien Galthié reste impassible. (©BBC)
40e : Les Écossais récupèrent un énième ballon dans un ruck avec l’inévitable Hamish Watson qui, lui aussi, possède un style capillaire remarquable, mais plus inspiré des tennismen des années 80. On tape en touche et, derrière, une bonne séquence se met en place. La défense bleue tient bon jusqu’au moment ‘Teddy Thomas’ de la semaine, où un joueur se troue et devient une sorte de punching bag national pour les amateurs de rugby devant leur télé. Cette fois, c’est Jalibert qui s’y colle, d’abord avec un air plaquage au milieu du terrain, puis avec une montée kamikaze qui ouvre un boulevard à l’attaque écossaise. Johnson prend l’intervalle, fixe et sert Maitland pour l’essai qui fait mal juste avant la pause, 14-7.

En voyant un blondinet totalement s’effacer au plaquage, j’ai cru au retour de Plisson en bleu. (©BBC)
41e : La seconde période débute bien avec encore une grosse charge d’Alldritt, puis c’est Penaud qui parvient à pénétrer dans les 22 mètres. Les Bleus se rapprochent des poteaux avec la seule forme de jeu qu’ils semblent maîtriser à peu près : on envoie péter un gars dans l’axe. Quand c’est pas Dupont qui se charge de le faire lui-même avec son 17e départ au ras de l’après-midi. Malheureusement, le demi de mêlée est pénalisé au sol et les Tricolores terminent cette grosse séquence sans marquer un point.
43e : Faut vraiment pas avoir de chance pour tomber dans un jour où les Écossais se décident à être efficaces. Sur une relance, Willemse se troue et laisse Harris saisi l’intervalle. Price est au soutien et se fait reprendre juste devant les poteaux. Ça enchaîne bien et Hastings sert Maitland sur son aile. Bouthier, qui venait de faire un gros retour défensif, est un peu aux fraises et le joueur des $aracen$ s’offre un doublé. 21-7 après la transfo, ça commence à bien puer pour le Grand Chelem.

Qui est étrangement absent pour défendre sur l’aile ? TEDDY THOMAS BIEN SÛR ! (©BBC)
57e : Enfin une occasion française avec Bouthier qui vient dans la ligne et perce après une bonne passe de Jalibert. Jalibert qui, tout de suite après, tente sa spéciale Top 14 ‘coup de pied à suivre pour oim’, sauf que c’est pas le Top 14 et que ça ne marche pas. Les Écossais récupèrent le ballon, tapent un gros coup de pied dedans et font perdre 50 mètres aux Bleus.

Hamish Watson a passé tellement de temps dans le camp bleu qu’il a eu le temps d’apprendre le Français et de marier avec une dénommée Françoise. (©BBC)
61e : Les Français ont retrouvé un peu de punch en attaque avec un jeu plus simple et plus frontale. Les hommes de Greg Townsend se mettent à la faute à l’entrée des 22. Galthié demande de la tenter, ce qui prouve au moins qu’il est à jour sur la règle des bonus dans le Tournoi. Jalibert la passe, 21-10.
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63e : LA FRENCH CHATTE NE RONRONNE PLUS ! Cretin dévie le ballon sur une touche écossaise, mais le rebond trompe Dupont et atterrit directement dans les mains du talonneur McInally, qui n’a plus qu’à sprinter jusqu’à l’en-but. Typiquement le genre d’essai que c’est nous qu’on les marquait contre l’Angleterre et le pays de Galles. C’est la vie. Hastings passe la transfo, 28-10.

C’est terrible cette mode des talonneurs qui savent courir vite. Je ne reconnais plus mon rugby. (©BBC)
74e : L’essai de l’honneur pour les Bleus ! Il part de Thomas Ramos, qui joue chaque ballon comme si c’était le dernier qu’il touchait en équipe de France, probablement parce que c’est le cas. Le Toulousain relance, feinte la passe et réussit à transmettre à Fickou, qui remet pour Vincent. Ça enchaîne bien derrière et Ollivon va finalement marquer en force. Le capitaine est dans les temps pour réussir son pari : égaler le record d’essais de Yoann Huget avec 40 sélections de moins. 28-17. Les Français vont ensuite tout tenter pour arracher le bonus défensif, mais COMME UN SYMBOLE ©, un ballon gratté viendra mettre fin à leurs espoirs.
Plus facile de se la péter quand ton papa est écossais. #EuhOui #Oulah pic.twitter.com/GV9aQmR0aM
— Ovale Masqué (@OvaleMasque) March 9, 2020
La preuve qu’au moins le staff bleu apprend de ses erreurs, c’est qu’il envoie Alldritt pour parler en anglais après les matches.
Conclusion
Et voilà, c’est raté pour le Grand Chelem. « Il fallait se méfier de ces valeureux Écossais », qui méritaient peut-être bien de battre l’Irlande et l’Angleterre en début de Tournoi, et qui n’avaient encaissé que deux essais en trois matches. Sans être géniaux, les hommes de Greg Townsend ont eu le temps d’analyser les quelques points faibles français et d’établir un plan de jeu intelligent et bien exécuté. Alors certes, c’est moins rigolo que Finn Russell en roue libre qui fait des quadruple sautées depuis les 22 mètres, mais c’est peut-être aussi plus efficace. Oui, des Écossais efficaces, c’est vraiment étrange de le penser, et encore plus de l’écrire.
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Côté français, n’oublions pas que la victoire dans le Tournoi est encore possible, mais il faudra attendre le 31 octobre pour avoir droit à notre « season finale ». Bon, peut-être que la moitié des acteurs auront changé en cours de route à cause de blessures ou de méformes d’untel ou untel. Peut-être même que certains seront décédés du coronavirus, ou que Teddy Thomas sera devenu le chouchou du public après son triplé en finale de Coupe d’Europe. C’est le rugby français : c’est impossible à prévoir. Mais quoiqu’il en soit, c’est fait : cette nouvelle génération a déjà connu son bizutage sur la scène internationale. Et au final, on peut se dire que c’est pas plus mal que ça ait profité aux sympathiques Ecossais plutôt qu’aux Anglais ou Gallois.