
« Je suis libre et ne dépends pas que de la politique pour vivre. Je ne cherche pas à plaire ni à être lisse ». Tout y est : franc-parler, convictions affichées et de sa voix claire elle se montre audacieuse. Voire familièrement, elle est « culottée ». Isabelle Attard détonne dans son nouveau milieu. A 40 ans, cette mère de famille de quatre enfants a lancé sa carrière politique, après avoir achevé sa thèse de doctorat alors même qu’elle travaillait encore en tant que Directeur du Musée de Bayeux d’abord avant de s’exiler à Utah Beach par la suite.
2012, les enfants sont grands, les élections législatives se préparaient, l’historienne et archéologue se sentait prête pour son 1er essai en politique locale. « Il y a eu plusieurs choses : j’ai soutenu ma thèse en décembre 2010, donc je n’avais plus ce stress dans ma tête. Ensuite, j’ai quitté mon travail à Bayeux ». Fini le devoir de réserve et le maire de Bayeux n’était plus son patron. « Mes enfants étaient assez indépendants pour que je puisse enfin faire de la politique librement ».
En grève citoyenne le 3 février
Librement ! C’est le qualificatif qui collerait bien à la peau de la parlementaire. D’aucuns disent « d’activiste ». Soit une sorte de boulimique de travail. Une boulimie qu’elle cultiverait dans la singularité de ses coups d’éclats : aller à l’assaut des ayants droit de Anne Franck, pour faire valoir son idée de partage de la culture de mémoire ou du partage du bien commun ; autre exemple, lorsqu’elle décide de voter contre l’état d’urgence, elle s’engage aussitôt dans le « comité d’urgence citoyenne ». Le 3 février, elle fera une grève citoyenne devant l’Assemblée, portant un brassard avec une lettre « V » pour dénoncer les 3 000 perquisitions et les assignations à résidence « subies » par des militants essentiellement écologistes, victimes politiques directes de l’Etat d’urgence promulguée après les sévères attentats du 13 novembre, à Paris.
Partis politiques
« On donne le sentiment que j’ai fait partie de plusieurs partis. En fait je n’en ai connu que deux finalement : Europe Ecologie les Verts (EELV) et Nouvelle Donne. L’écologie reste ma famille politique de base ». Mais pourquoi avoir été en froid avec cette famille ? « Je leur ai reproché d’avoir suivi le parti socialiste sur le projet de loi Recherche de Valérie Pécresse. Ils ont porté un projet de loi de droite, sans sourciller. » C’était en mai-juin 2013.
Puis plus récemment, les « écologistes n’ont pas dit un mot sur la réforme de la retraite face au PS… » Alors pourquoi Nouvelle Donne ? « La présence de la veuve de Stéphane Hessel, un grand monsieur, m’a convaincue. Il y avait quelques autres qui souhaitaient comme moi participer à un groupe de réflexion. Mais je me suis rendue compte que nous avions un président « Ancienne Donne ». Le jeu de mots n’est pas innocent. Toujours est-il que pour la députée Attard c’en était trop : « je pensais appartenir à une équipe qui avait vocation à penser la politique autrement et je m’aperçois qu’on était devenu une écurie chargée de la présidentialisation de Pierre Larrouturou ».
Nouvelle Donne est un mouvement politique français de gauche lancé en novembre 2013 par ce dernier. « Il se positionnait principalement sur les questions économiques, sociales et environnementales » et pour le renouvellement des pratiques démocratiques. Or, observe Isabelle Attard, siègeant aujourd’hui sur les bancs des écologistes à l’assemblée nationale, « ses pratiques démocratiques ne montrent en aucun cas un signe de renouvellement ».
Prochaine échéance
Comment pourra t-elle poursuivre son combat ? La réponse fuse : « je suis libre. je ne dépends pas de la politique pour vivre. Je ne cherche pas à plaire. je pourrais me dire « je me fais discrète pendant 5ans pour pouvoir me faire élire dans 18 mois ». Elle en connaît qui ont fait ce choix, regrette t-elle. « Je connais des députés qui veulent partager mes combats et qui ne le peuvent pas car les partis leur demandent de ne pas s’exposer. Je considère que nous avons à l’Assemblée des sujets qui méritent d’être entendus ».
Sur qui comptera t-elle pour faire passer ses messages ? Isabelle Attard s’appuie sur une équation à deux inconnues. D’abord elle considère qu’en France, 10 % des électeurs ne votent pour aucun parti. « Je dis à ces 10 %, qui ne sont pas inscrits sur des listes électorales, que mon devoir aussi consiste à leur apporter des éléments pour qu’ils comprennent que tous les députés ne sont pas « pourris ». Je vais leur apporter des preuves tangibles que je suis différente ». Comme lorsqu’elle rend public ce qu’elle fait de sa réserve parlementaire et de la manière dont elle est partagée. Elle dit aussi « n’être ni de droite ni de gauche parce que le contexte politique a changé ».
Enfin, si elle devait se présenter à nouveau devant les électeurs, elle mènerait alors une « campagne citoyenne », quitte à passer pour « une forte tête » qui serait prête à proposer que les candidats aux élections fassent face à un jury citoyen, qui les désignerait par un tirage au sort. « On a démontré que cela pouvait marcher.” Au sommet de sa pyramide politique, elle se verrait réélue par « un parti citoyen »
Ses engagements
Issue d’une famille politiquement engagée, la députée Attard a de qui tenir : un père journaliste et professeur d’histoire militant à gauche, vivant non loin de Jean Zay, une icône de gauche, ministre de l’Education nationale « exemplaire », assassinée par la milice à Molles (Allier), le 20 juin 1944.
Le symbole est tout choisi et bien tombé : Jean Zay est un homme libre sous le Front Populaire et qui ose la création du Festival de Cannes, du Centre national de la recherche scientifique (CnRS), mais aussi du musée national des arts et traditions populaires, etc.
Comment ne pas faire partie de ces gens qui osent aujourd’hui demander la création d’un revenu universel ? « La France n’a jamais été aussi riche mais l’argent n’a jamais été aussi mal réparti », constate t-elle. Son prochain combat ? « Et pourquoi pas ? »
Les dossiers d’Attard
Loi sur le renseignement. Quel objectif?
La député Isabelle Attard est en première ligne sur le dossier AMESYS. « Une entreprise spécialisée en vidéo communication qui vend son produit à des dictateurs. Et personne n’en parle. Eh bien moi, je considère que mon rôle est de contrôler l’Etat ». Donc d’en parler. Mise en place du comité d’urgence citoyenne. A qui à quoi cela sert-il? « Comment fait-on pour que la population puisse avoir accès à des informations. C’est recréer des lieux de débat ».
Copy fraude ou Repenser l’accès au domaine public. De quoi s’agit-il? « Quand j’étais directeur de musée, on m’a obligée à pratiquer du COPY-Fraude:faire payer des droits d’accès à un produit qui appartient au domaine public (dans les musées, les bibliothèques,etc ». Exemple à Bayeux, faire payer certains fichiers ou les louer, etc .). La copy – fraude consiste à faire croire aux personnes qu’elles n’ont pas droit d’accès gratuit à tel ou tel objet voire à telle information… Anne Frank. Le journal d’Anne Frank (livre d’une jeune juive de nationalité allemande est tombé dans le domaine public depuis le 1er janvier 2016. Comme Mein Kampf (Mon combat), écrit par Hitler. « Je lutte contre les voleurs… »