Pourquoi ce 4 janvier et pas avant ?
L’élection du président du Conseil régional se tient normalement le vendredi qui suit l’élection. Mais alors pourquoi Hervé Morin à l’instar de Valérie Pécresse pour l’Ile-de-France ou le ministre Jean-Yves le Drian en Bretagne n’a-t-il pas été élu à la tête de la Normandie le 18 décembre ? Parce que la Normandie fait partie de ces 7 régions fusionnées (l’Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, l’Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne-Franche-Comté, le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie). Et en tant que telle ce n’est que le 1erjanvier 2016 que cette fusion devient officielle.
Pourquoi Rouen et pas Caen ?
Le 4 janvier, donc au conseil régional de Rouen ce sera la réunion d’intronisation des 102 conseillers régionaux. Hervé Morin a bien insisté dans son communiqué : « la loi impose que la première assemblée plénière se tienne dans le chef-lieu de région, le Conseil régional de Rouen sera aménagé à cet effet pour l’occasion. Et dès que le Conseil régional aura délibéré à ce sujet, les prochaines assemblées auront lieu à Caen, siège de la région. »
Qui sera invité ?
Nicolas Escach explique : « il y aura des représentations diplomatiques : les baillis de Jersey et Guernesey et des représentants des ambassades du Royaume-Uni, Danemark et Norvège sont également invités, ce qui inscrit la Normandie dans un territoire beaucoup plus large. » Hervé Morin avec sa majorité de 54 élus sera le premier élu président de cette assemblée.
Où sera quoi ?
L’affaire semblait pliée après des orientations en avril, revues et totalement inversées l’été dernier par l’Etat. La préfecture à Rouen, le Conseil régional à Caen : c’est pourtant encore provisoire, dans les textes tout au moins. Un nouveau revirement de situation paraît peu probable mais les élus ont pourtant un délai pour se prononcer. « Le 1er juillet 2016 au plus tard, ils devront émettre une résolution unique pour fixer le chef-lieu définitif de la Région, l‘emplacement de l‘hôtel de Région, le lieu de réunion des assemblées et le CESER*. Le décret d’Etat d’octobre 2016 portera sur le nom de la Région et sur le chef-lieu définitif de la Région (préfecture). »
Rouen, Caen, le Havre : chacun sa place dans une union parfaite ?
« Dans la tête de beaucoup de personnes, le chef-lieu c‘était la capitale. L‘Etat a désigné Rouen comme chef-lieu et a ensuite attribué les compensations. Quand on compare avec les autres régions de France, Caen sera plutôt bien dotée (le Rectorat, l’Agence régionale de santé (ARS), la Direction régionale de l’Insee, la Direction régionale de l’alimentation et de la forêt (Draf) et la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). On constate d‘ailleurs que toutes les villes qui ont été déclassées : Poitiers, Montpellier, Clermont-Ferrand ou Grenoble ont hérité de quasiment les mêmes directions. » Mais être bien dotée est-ce suffisant ? Le géographe estime que tout dépendra de ce que l’on affichera sur les cartes ! « C‘est très symbolique. Comment l‘Etat va-t-il afficher la gouvernance ? Si on met seulement les chefs-lieux sur la nouvelle carte des régions qui devrait sortir en juillet puis en octobre, alors on ne verra apparaître que Rouen. On envoie selon moi un message selon lequel il y a centralisation. Si on affiche les deux ou trois points : Rouen, Caen et Le Havre, alors on insiste sur la notion de réseau. »
Le message est symbolique certes mais les conséquences peuvent être importantes : « On a rencontré des chefs d‘entreprise qui commencent à prospecter sur d‘éventuels bureaux à Rouen au cas où… Il y a des enjeux énormes, des cabinets de conseils, tout un écosystème économique, sportif, juridique autour des fonctions métropolitaines qui ne représente pas forcément la majorité des emplois certes mais qui est important. » La tradition jacobine sera-t-elle revue via la fusion des régions ? « Dans les années 1990-2000, dans le contexte de compétition entre les territoires, le mythe de la redistribution de la ville centre qui redistribue n‘a pas été pensé et cela a causé beaucoup de fractures dans l‘espace. L‘erreur serait d‘amplifier cette fracture. Selon beaucoup de géographes aujourd‘hui, une métropole peut ne plus se concentrer sur une seule ville mais former un système urbain : Caen, Rouen et le Havre arriveraient à elles 3 à être une métropole complète avec leur spécificité et rayonnement, ce qu‘elles ne pourraient être isolément ».
Notre rôle dans tout ça ?
Combien de Bas-Normands connaissent mieux l’Angleterre ou Paris que la Haute-Normandie ? Combien de Caennais ne sont jamais allés à Fécamp, Dieppe etc. La Normandie, il va falloir aussi mettre son grain de sel pour la construire. Pour les géographes, « l‘enjeu de cette réforme va être aussi de construire des pratiques. On a déjà des exemples : l‘école de management qui a plusieurs campus (Caen et Le Havre), la French Tech qui permet à des entreprises de naviguer entre les trois villes, le festival Normandie Impressionnistes… » Mais cette logique, il va falloir la pousser plus loin. « On change d‘échelle, il faut que les gens en changent également. Lorsqu‘on a construit l‘Europe, on a créé Erasmus pour que les jeunes se déplacent. Selon nous, c‘est la même chose qui doit se passer à cette échelle de la région et ceci pour permettre un rayonnement plus important encore. Encourager la mobilité ce n’est pas simple mais on construit la région aussi comme ça. »
*Le Conseil Economique, Social et Environnemental Régional : la deuxième Assemblée régionale. Composé de socioprofessionnels et ayant un rôle consultatif, il est chargé d’émettre des avis sur les documents budgétaires et de planification. Il réalise également soit à son initiative, soit à la demande du Président du Conseil régional, des études d’intérêt régional.