
Alex Larue, candidat LR-UDI aux municipales à Montpellier. (©Mario Sinistaj)
Dans une campagne municipale où 14 candidats sont en course au premier tour, Alex Larue occupe un couloir précis. Représentant Les Républicains, associés à l’UDI, il défend une droite « éprise de liberté, qui est aussi solidaire, culturelle et qui aime la libre entreprise tout en ne laissant pas les gens sur le côté ». Un positionnement que le candidat pense compatible avec Montpellier, pourtant historiquement à gauche. À moins que…Interview :
Métropolitain : Montpellier est une ville à gauche depuis 40 ans, comment attaquez-vous cette pente ?
Alex Larue : En fait, il y a un paradoxe. Montpellier se croit et se rêve à gauche, mais elle est à droite. Elle a été construite, dans la période contemporaine, par Georges Frêche qui aimait à rappeler son passé maoïste. Mais le Frêche qui a construit la ville de Montpellier, c’est le Frêche diplômé d’HEC. Il avait une vraie vision pour le territoire et avait tout de suite compris que la concurrence territoriale nécessitait que l’on se démarque des autres territoires. Donc, il l’a marqué de sa patte et ça, c’est sa culture HEC. Par contre, il a acculturé un électorat de droite à voter pour lui dès le premier tour. Ses successeurs ont ensuite profité de cette habitude, de ce réflexe un peu pavlovien. Un électeur de droite me demandait récemment quel était le vote utile au premier tour. C’est justement une élection à deux tours, donc, voter utile au premier tour, c’est voter pour ses valeurs, pour ses convictions. Il sera temps de faire des calculs au deuxième tour. J’invite donc tous les électeurs à voter à droite car on a un vrai message à porter. Un message de liberté, de vrai positionnement et de rayonnement de Montpellier.
Comment marquez-vous votre positionnement à droite ?
La droite a été caricaturée durant ces cinq dernières années. Ma droite, c’est celle de André Malraux, ministre de la culture, de Simone Veil dans son combat pour les femmes, de Jacques Chirac, qui dit notre maison brûle et on tourne la tête. C’est cette droite qui est éprise de liberté, qui est aussi solidaire, culturelle et qui aime la libre entreprise tout en ne laissant pas les gens sur le côté. Je m’inscris dans cette ligne là et je pense que c’est compatible avec l’histoire de notre ville qui est bouillonnante, libre et humaniste.
Quand on regarde l’échiquier politique de cette élection, estimez-vous être chassé sur vos terres par Mohed Altrad et Patrick Vignal ?
Mohed Altrad, pas du tout, parce qu’une grande partie de son équipe de campagne est composée de personnes qui viennent du PS ou de la gauche. Il est en discussion régulière avec NousSommes, donc la France Insoumise, et je ne me sens pas concerné par ces débats. Quant à Patrick Vignal, il est dans le positionnement du gouvernement actuel. Libre à lui de se positionner ainsi, mais, ce n’est pas le mien.
Mais, quand on regarde le programme de Mohed Altrad, on constate des similitudes ?
Dans une campagne électorale, il ne faut pas avoir peur d’avoir des propositions convergentes. C’est peut être le signe que la proposition est bonne d’ailleurs. L’idée n’est pas de se démarquer absolument, mais de faire un constat. Je pense que l’on a tous fait un constat sur la situation de la ville en matière de sécurité, mais aussi d’attractivité et de déclassement. À chacun ensuite de proposer ses mesures pour remédier à la situation.
Comment vous positionnez-vous par rapport au Rassemblement National ?
Je suis implacable sur ce point depuis que j’ai commencé à faire de la politique. L’union des droites a été théorisée, notamment par Robert Ménard, pour faire exploser le plafond de verre du deuxième tour des présidentielles pour Marine Le Pen. Je ne vais pas tomber dans ce piège. J’ai mes valeurs et elles n’ont rien à voir avec celles de l’extrême droite. Je ne peux pas être plus clair sur le sujet.

Alex Larue, candidat LR-UDI aux municipales à Montpellier. (©Mario Sinistaj)
Vous l’avez dit, le thème de la sécurité a été abordé par tous les candidats. Quels sont vos axes pour vous démarquer ?
Encore une fois, nous ne cherchons pas à nous démarquer pour nous démarquer. C’est vrai que c’est la première fois, que l’on parle autant de sécurité dans la campagne municipale à Montpellier. D’abord, la situation s’est dégradée de façon considérable, même les médias nationaux s’intéressent à notre ville à cause de cela, et il faut vite y remédier. La priorité chronologique de mon programme est de remettre de la sécurité dans la ville. On ne peut pas rendre une ville attractive si elle n’est pas sûre.
Parmi nos mesures, nous proposons le recrutement de cent policiers municipaux, mais au-delà de cela, c’est aussi une sécurité à 360° qui touche tous les aspects de la vie de la ville et notamment dans les transports. Des jeunes étudiantes m’ont dit qu’elles ne sortent plus le soir car elles ont peur de se faire harceler ou agresser. Dans la 7e ville de France, qui est le 6e pays le plus riche au monde, c’est quand même incroyable que des personnes organisent leurs déplacements en fonction de l’insécurité qui règne dans la ville. Ensuite, il est très important de comprendre que la sécurité est la première des libertés. Si vous ne circulez pas comme vous le voulez cela peut couper le lien social. Je pense notamment aux seniors qui peuvent ainsi être isolés et se sentir abandonnés par la société. Je veux remettre du lien social et donc une des priorités est que les gens soient en sécurité dans la ville.
Dans votre programme vous avez un plan pour le CHU de Montpellier, quel est-il ?
C’est un paradoxe montpelliérain. Le CHU est le 5e hôpital de France donc dans l’excellence médicale. Il a un poids économique considérable avec 11 000 salariés, ce qui en fait le troisième employeur de la région Occitanie. Mais, finalement personne n’en parle. On sait qu’il est là et on y va quand on en a besoin, mais on ne s’intéresse pas à ses préoccupations et son devenir.
J’ai rencontré des membres de l’encadrement médical et j’ai été choqué d’apprendre que leur priorité n’est pas de développer la médecine du futur ou de s’étendre à l’étranger… Leur priorité est d’avoir plus de parkings, la climatisation et des douches. Il faut que l’on soutienne cette démarche car avec les risques climatiques accrus, on pourrait avoir des gens qui meurent de crise cardiaque dans les chambres à cause de la chaleur. Ce n’est pas un horizon qui fait rêver, mais, on est là dans l’hyper quotidien du personnel et des patients de l’hôpital. Le rôle du maire de Montpellier, qui est aussi le président du conseil de surveillance du CHU, est justement de veiller à son CHU, et que les gens qui y sont, patients et personnels, aient de bonnes conditions d’accueil et un bon cadre de travail.
C’est pour cela, que j’ai souhaité le placer au coeur du programme. Il y a une vraie logique avec quelque chose qui s’appelle Montpellier capitale santé. Cela existe, mais pour l’instant on n’en fait pas grand chose. Or, je pense que la santé, et toutes ses ramifications, qu’elles soient universitaires ou économiques, est l’élément qui nous distingue sur le territoire. Je parlais de Georges Frêche et du marketing territorial, notre marketing territorial vertueux et économique, c’est justement le monde de la médecine. Et qui l’incarne mieux que le CHU de Montpellier ?
La culture est un thème un peu délaissé dans la campagne, j’imagine que votre programme comporte des propositions ?
C’est vrai que l’on ne parle quasiment pas de culture. Il y a deux sujets. D’abord très politique dans ce mandat avec presque une liste noire dans le milieu culturel des gens qui n’ont pas soutenu Philippe Saurel. Il y a eu des luttes intestines au début du mandat avec par exemple Le Printemps des Comédiens et la suspension des subventions. On a coupé la tête à des gens comme Numa Hambursin au Carré Sainte-Anne et Régis Pénalva à La Comédie du Livre car ils avaient une forte proximité avec un candidat déclaré. Sans parler des guerres avec la Région sur l’Opéra.
Il faut remettre du lien entre les collectivités pour une meilleure coopération notamment dans le milieu culturel. Ensuite, il faut faire à nouveau rayonner la vie culturelle à Montpellier. Quand vous voulez voir un spectacle sympa au printemps vous êtes obligés d’aller à Sète ou à Nîmes. En été, je connais beaucoup de personnes qui, le soir, ne sont plus à Montpellier. Nous voulons redonner ce souffle, cette ambition culturelle à tous les sens du terme. Cela va d’une culture un peu élitiste avec l’art contemporain, l’opéra qui s’ouvre d’ailleurs à tous les publics… mais également les cultures populaires comme le street-art ou la variété. Dans les années 90, on parlait d’une movida en Espagne et Montpellier était la petite Barcelone. C’est ce souffle, que l’on veut redonner à Montpellier et cela passe par une politique culturelle importante.
Et en matière d’éducation ?
Il y a deux aspects. Le premier est de soutenir la création d’école. Construire une école par an c’est bien mais il va falloir accélérer pour répondre à la croissance démographique de la ville. Mais surtout, l’éducation est très importante car on y forme les citoyens de demain. On parlait de sécurité et il y a un pendant qu’il ne faut pas oublier, c’est l’éducation et la pédagogie. Nous avons un vrai rôle à porter avec les associations, la protection judiciaire de la jeunesse mais aussi le réseau des Maisons pour tous, qui est complètement abandonné dans cette ville, pour faire du soutien scolaire, de l’action de proximité dans la pédagogie pour que les futurs citoyens de demain soient pleinement intégrés dans la République.
Sur le sport on a l’impression que la question se limite au stade ?
C’est dommage effectivement que le débat sur le sport soit bloqué par cette question. Je n’y reviendrais pas car on en a tous beaucoup parlé. Sur le sport, y a deux univers. Le sport professionnel qui se porte plutôt bien même si je rêve à titre personnel, et sans dénigrer les Gazelles de Lattes qui ont des résultats merveilleux, d’avoir une équipe masculine de basket à Montpellier. Au-delà de ce clin d’œil, ce qui est le plus important, c’est le sport amateur car il a des vertus : la pédagogie, l’intégration et c’est là que l’on façonne les citoyens de demain. Il faut donc aider le sport amateur. Cela passe par réserver plus de créneaux et de trouver des salles supplémentaires. Un de nos projets est de réhabiliter le Zénith, qui est obsolète pour le mettre à disposition du sport amateur.

Alex Larue, candidat LR-UDI aux municipales à Montpellier. (©Mario Sinistaj)
Quelle est votre vision pour Montpellier dans 10 ans ?
Il faut redonner à Montpellier son caractère bouillonnant, inventif, libre. Cela passe par libérer les initiatives. Il faut positionner Montpellier. La santé, au sens de la définition de l’OMS qui inclut aussi la qualité de vie, peut incarner la ville de demain. Une ville plus responsable, plus verte bien évidemment, plus innovante et plus ouverte sur le monde. On a un tissu universitaire incroyable, que l’on n’utilise pas assez. Pour l’anniversaire de la faculté des médecines, il aurait été bien d’inviter d’anciens étudiants à venir témoigner. Je pense que l’on peut créer un réseau mondial des étudiants que l’on a formé pour mettre de l’attractivité et de la visibilité sur notre ville.
Comment voyez-vous l’articulation entre la Ville et la Métropole ?
La Métropole a été cassée durant le mandat. En juin 2017, la création par Philippe Saurel d’un groupe politique LREM et apparenté a cassé la dynamique. Il avait pourtant fait un très bon début de mandat au niveau de l’intercommunalité avec un passage de l’agglomération à la métropole qui s’est très bien passé, le pacte de confiance des maires qui était une bonne idée pour les rassurer sur le PLU… et tout a été cassé. On s’est alors retrouvés dans une situation inédite avec le maire de Montpellier en lutte ouverte avec les maires des plus grandes communes comme Lattes, Castelnau, Grabels… qui ne sont pas des perdreaux de l’année. Il y a eu des coups en dessous de la ceinture, ce que je regrette. Il faut remettre de l’apaisement dans l’intercommunalité. Quand vous êtes à la Métropole, vous n’êtes pas là pour porter les couleurs d’un parti. Vous n’êtes même pas là pour porter les couleurs d’une ville, mais celle de l’intercommunalité.
Cyril Meunier a eu un jour cette très belle phrase en interpellant Philippe Saurel, lors d’un conseil métropolitain : « Ici tu n’es pas le président et nous tes collaborateurs. Tu es devant tes pairs qui t’ont désigné ». Effectivement, il ne faut pas oublier cela. Le maire d’une commune de 300 habitants et le maire de la ville centre de 280 000 habitants ont le même poids dans les discussion sur l’intercommunalité. Cela a été perdu et je veux recréer ce lien.
Estimez-vous que le maire de la ville centre doit être le président de la métropole ?
Oui et ce n’est pas contradictoire avec ce que je viens de dire, car, c’est lui qui porte le plus grand nombre d’élus. Ce que je suis prêt à concéder, c’est une vraie gouvernance avec des droits de véto renforcés pour éviter des passages en force comme on a pu l’avoir sur certains sujets. Il faut réfléchir à cela mais je pense malgré tout que la Métropole, à sa tête, doit être incarnée par le maire de Montpellier.
Un mot sur votre liste.
Mon premier objectif était de faire monter une génération et des compétences. Le deuxième était de faire un équilibre avec nos partenaires de l’UDI car c’est la première fois depuis longtemps que l’on arrive unis à une élection. La deuxième place est occupée par Valérie Briot de l’UDI et la troisième par Arnaud Julien, le patron des Républicains. Il y a d’autres personnes qui ont accepté ou proposé de nous rejoindre dont certaines avec des parcours surprenants. Quand j’ai constitué cette liste, j’ai aussi pensé à l’équipe de demain, car ce qui a marqué ce mandat, c’est que l’on ne s’est peut-être pas projetés sur qui allait faire quoi après. Tout le monde ne sera pas adjoint ou vice-président, bien évidemment, mais je raisonne en compétence et en capacité à porter un projet.
Réfléchissez-vous déjà à des alliances au deuxième tour ?
Non, pas du tout, car c’est le travers dans lequel on tombe historiquement à Montpellier et c’est celui dans lequel on fait tomber nos électeurs. La dernière fois Jacques Domergue avait dit, avant le premier tour, qu’il allait faire une alliance avec Philippe Saurel. Du coup, il a donné un bon de sortie à nos électeurs en leur disant allez-y, j’arrive. Moi, ce n’est pas cela. Le but est d’être le plus fort au premier tour pour pouvoir peser, et peut-être l’emporter seul aussi. Même si cela peut surprendre, je m’inscris dans cette dynamique. En plus, la gauche est très divisée et éclatée donc il y a quelque chose à mener. On verra le soir du premier tour. Tout est envisageable, sauf les extrêmes bien évidemment, avec la seule condition d’avoir des convergences profondes programmatiques.
Quelle sera votre première mesure si vous êtes élu maire de Montpellier ?
La première à l’égard des agents et des personnels de la Ville et de la Métropole. Il faut les réunir pour leur redire que l’on a besoin de travailler tous ensemble. Je ne joue pas les élus contre les agents car cela ne marchera pas. Si vous êtes dans votre tour d’ivoire et si votre politique n’est pas relayée sur le terrain, cela ne fonctionnera pas. Il y a un vrai travail d’équipe et c’est aussi mon ADN professionnel. Cela fait 20 ans que je suis dans la négociation. Alors, on dit que je suis gentil, que je suis peut-être un peu trop conciliant. Non, moi je donne la chance à la discussion et aux relations humaines. Après, quand il faut être ferme, je le suis. Mais je pense qu’avec les syndicats et les autres personnels non syndiqués, il faut leur tendre la main.
Et, dans le même ordre d’idée, de faire une réunion de travail avec Carole Delga, Kléber Mesquida, les représentants de l’État, de la CCI et de la Chambre des métiers pour éviter les caricatures que l’on vient de vivre pendant six ans, où plus personne ne travaille ensemble. Ce sont deux mesures symboliques qui ne coûtent pas grand chose, mais qui donnent la ligne éditoriale du mandat à venir.
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Une interview à retrouver dans l’hebdomadaire Métropolitain du mardi 3 février. (©DR)