L’ancien maire de Caen est inquièt. Il l’a dit et montré lors du dernier conseil municipal présidé par celui qui l’a battu. Philippe Duron (PS) ne veut pas perdre le bastion culturel qu’est Caen au profit de Rouen, culturellement tout feu tout flamme.
. « C’est un acteur de rayonnement caennais ». Philippe Duron (PS) ne dissimule pas ses regrets et son inquiétude, quand il pense au Théâtre de Caen. S’adressant au maire Les Républicains Joël Bruneau, « j’aimerais, a t-il dit, que vous et et votre adjointe nous éclaireriez sur [son avenir]. Depuis de nombreuses années la saison de cette belle maison met en avant le théâtre musical, l’opéra et la musique baroque». L’ombre de William Christie, un Franco-américain célèbre, plane dans la salle des Gardes, lieu historique où se décide la conduite de la Ville. Le fondateur des Arts Florissants, prestigieuse production baroque, a été 25 ans résidence à Caen. Son contrat a été rompu depuis le 1er janvier de cette année, en même temps que la réunification de la Normandie. Y verrait-on un signe?
une erreur de début de mandat
Philippe Duron n’en parle pas explicitement. Si ce n’est par une subtile allusion à l’enthousiasme des Rouennais à faire briller leurs lieux de culture…
Mais il se contente d’en appeler à un passé pas si lointain: le Théâtre de Caen a développé des coproductions avec d’autres théâtres en France et à l’étranger, citant pêle-mêle « Rinaldo de Haendel, coproduction avec le théâtre Mozart de Prague », et bien d’autres avec les théâtres de Lille ou de Nancy, voire du Luxembourg. « En ne renouvelant pas la convention avec les Arts Florissants vous avez porté un coup à l’image du Théâtre de Caen ». Le mot est lâché. Et pour cause: « la master class et le Jardin des Voix auraient maintenant lieu à Thiré en Vendée », où le grand chef a également un château… « Mais cela, c’est la conséquence d’une erreur de votre début de mandat ».
L’offensive est frontale mais elle était prévisible. Des coulisses, il se dit que les nouveaux maîtres de la Ville « en avaient assez d’un chef d’orchestre internationalement reconnu, mais avare de compliments ou de reconnaissance à l’égard de Caen et sa région, qui lui attribuaient une rondelette subvention de 700 000 euros ». Officiellement, le maire et son adjointe se défendent de vouloir dévaloriser le Théâtre de Caen en choisissant de soutenir la création et des jeunes créateurs. A l’instar de L’Ensemble Correspondances, créé par Sébastien Daucé en 2008, qui a entamé une résidence de trois ans à Caen, succédant physiquement à William Christie
Un pole lyrique à Rouen
Fortes tensions budgétaires et réorientation des priorités obligent! Joël Bruneau a choisi, sans grande amertume apparente, de remplacer le pape contemporain de la musique ancienne par un « jeune pousse »dont on dit beaucoup de bien.
Tout cela ne rassure pas Philippe Duron, qui observe que « les Normands de l’autre côté de l’eau » au plus haut niveau de la Région se battent pour « faire de Rouen, le pôle lyrique normand », en obtenant « un statut d’Opera National de Région. « Comment voyez-vous l’avenir de Caen? », a conclu Philippe Duron, dans une colère baroque, la voix tout en rondeur avec les mots de plomb.
Emile S. FOUDA
Qui est William Christie?
« Claveciniste, chef d’orchestre, musicologue et enseignant, William Christie est l’artisan de l’une des plus remarquables aventures musicales de ces trente dernières années. Pionnier de la redécouverte de la musique baroque, il a révélé à un très large public le répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles. La carrière de ce natif de Buffalo, formé à Harvard et à Yale, installé en France depuis 1971, a pris un tournant décisif lorsqu’il a créé en 1979 Les Arts Florissants ». En 2002, il a fondé à Caen avec Les Arts Florissants une Académie biennale destinée à de jeunes chanteurs lyriques, Le Jardin des Voix, dont les lauréats ont très vite engagé une carrière internationale.Parmi les lauréats du Jardin des Voix, Sonya Yoncheva, Christophe Dumaux, Emmanuelle de Negri, Marc Mauillon, etc.(France Musique)